Éva a lu pour vous ..
Chroniques littéraires
Stupeur et tremblements
Amélie Nothomb
Albin Michel
Le 26 août 1999
174 pages
roman
Chronique
26 décembre 2024
Grand Prix du Roman de l'Académie Française 1999.
Le titre "Stupeur et tremblements" fait référence au protocole traditionnel japonais exigeant de se prosterner devant l'empereur avec stupeur et tremblements, celui-ci étant considéré comme une divinité.
La stupeur et les tremblements qui se sont emparés de moi aurait plutôt un lien avec la sidération devant les valeurs sado-masochistes auxquelles obéissent les salariés de la grande entreprise japonaise Yuminoto et les frissons glacés provoqués par certaines scènes de ce texte à la limite du supportable pour une occidentale comme moi.
Quant au sens de l'honneur évoqué en permanence, il est inconcevable en la matière. Magnifique et stupéfiante description d'une société en dysfonctionnement par le biais d'une plongée dans un microcosme particulier où humiliations, cris et fureur règnent en maîtres.
Pays dont le taux de suicides est le plus haut dit-on, en opposition à la Terre de beauté absolue et raffinement que nous admirons par ailleurs, auquel Amélie Nothomb et Laureline Amanieux viennent de rendre hommage dans leur magnifique ouvrage "Le Japon éternel" paru en 2024 aux Éditions Albin Michel, dans la collection Beaux Livres.
Nous devrions presque remercier la compagnie Yuminoto et la charmante mademoiselle Mori d'avoir si bien traité la jeune femme qu'était l'écrivaine en devenir. Ainsi est-elle revenue en Europe et a-t-elle écrit et fait paraître "Hygiène de l'assassin" en 1992. Elles ont perdu une employée "imparfaite" à leurs yeux et nous avons gagné une romancière fabuleuse qui, enfin, a compris que décidément elle n'était japonaise que de coeur.
Ce livre caustique, acide, violent est également un chef-d'œuvre d'humour et d'ironie à la Nothomb. Il lui fallut sept ans pour partager cette expérience traumatisante et extraordinaire par la rédaction de ces pages au vitriol.
J'ai aussi mieux compris pourquoi il m'avait été impossible de travailler avec des japonaises dans le cadre de ma carrière de chanteuse lyrique. Pianistes ou collègues, je me suis retrouvée, sans le savoir, face à des doubles de Melle Mori. Mon instinct de survie me les a fait fuir heureusement.
Je reste stupéfaite et dans l'incompréhension quant à la patience masochiste dont a fait preuve la jeune Amélie, humiliée, le sachant, mais voulant jusqu'au bout ne pas perdre la face en bonne petite japonaise parfaite.
Reste un livre exceptionnel ayant donné lieu à une interprétation fabuleuse de Sylvie Testud dans le film éponyme de 2003. Glaçant!