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Éva a lu pour vous ..

Chroniques littéraires

Prince d'orchestre

Metin Arditi

Actes Sud

2012

373 pages

Thriller

Chronique

17 février 2019

Ce roman m'a terrassée, quel cauchemar ! Celui de Alexis Kandilis, un des plus grands chefs d'orchestre qui pourtant va tout perdre, chuter au fond du gouffre, souffrir de panique, perdre pied au moment où tout semble lui sourire. Un regard, une silhouette connue dans le public d'une salle de concert, des souvenirs qui explosent brutalement dans sa mémoire, les premières notes Des Kindertotenlieder- Les chants des enfants morts de Gustav Mahler qui envahissent son esprit.... Tout s'efface, il est au bord du précipice le grand homme que tous aiment, admirent, exploitent, craignent, jalousent.... La construction d'une vie est longue, elle peut être détruite en une fraction de seconde... Un regard, une silhouette, un enfant foudroyé.... Lorsqu'on est musicien de haut niveau dans ce cadre très élitiste et anxiogène des théâtres et salles de concerts de musique classique, d'Opéra, on apprend à jouer la comédie comme dans le monde diplomatique des ambassades, afin de ne surtout pas montrer ses failles, ses fragilités. Ce sont des métiers où l'on peut atteindre des sommets ou s'enfoncer dans la terreur. Si on perd de vue l'essentiel, la Musique, on se condamne soi-même à s'égarer dans l'illusion, les apparences, le désir des autres, dans sa propre image tel un Narcisse pitoyable. " Les déboires d'Alexis avaient fait le tour du monde symphonique. Depuis trente cinq ans qu'il faisait ce métier, Ted avait appris à connaître les chefs. Tous à des degrés divers, étaient difficiles. Mais tous aimaient la musique. Ils étaient portés par elle, nourris d'elle. Ils vivaient à travers elle. Les grands plus encore que les autres. Sans doute était-ce là ce qui faisait leur marque : la vénération qu'ils avaient devant la grande musique. Alexis n'était pas dans ce cas. Lui avait été aimé de la musique, plus sans doute qu'elle n'avait aimé personne. Elle s'était offerte à lui dans toute son intimité. Il n'avait eu qu'à tendre la main pour connaître d'elle le mystère de chaque instant. Le secret de chacun de ses replis intimes. Mais dans sa frénésie de gloire, il n'avait pas imaginé qu'elle pourrait attendre de lui quelque chose en retour. Il s'était comporté avec elle comme un homme qui exploite l'amour d'une femme sans vergogne, tant il est persuadé qu'elle lui restera attachée toujours et quoiqu'il fasse, au point de tout accepter. Jusqu'à ce qu'un jour elle se dise que la plaisanterie a assez duré et le quitte." Tout commence par une découverte macabre de trois corps : deux dans une cuisine, le dernier écrasé sur le trottoir devant l'immeuble. Tout commence par une soirée mémorable où Alexis dirige un grand orchestre à Genève comme toujours, avec presque trop de facilité et de détachement, tout en jouant l'émotion, blasé du triomphe qui déjà avant l'entracte éclate ; au moment de saluer il repère au balcon sa femme Charlotte issue de la bonne société genevoise, au physique ingrat, à l'intelligence limitée, sa mère qui a tout sacrifié pour lui et ne cesse de le lui répéter inlassablement, de son agent Ted et son assistante Sonia, de deux amies Tatiana et Pavlina en couple, d'un biographe, et puis soudain de Lenny, un revenant, une ombre du passé, qui fut avec lui dans le même pensionnat. Alexis vacille, et si Lenny parlait ? Et le biographe qui pourrait apprendre ce qu'il cache depuis toujours.... Un thriller psychologique absolument terrorisant. Tout est disséqué, tout est analysé, un monde de beauté qui devient celui de la cruauté la plus abjecte. On hésite entre prendre dans nos bras le petit garçon innocent que reste Alexis, et le fuir au plus vite car toxique. Et des Kindertotenlieder tournent en boucle... Et Alexis tombe toujours inexorablement. Monstrueux ! Des morts encore et toujours.... De quoi est donc coupable Alexis ? Il se croyait au sommet, béni des dieux, il va comprendre qu'il est seul !

Quatrième de couverture

Alors que chaque concert lui vaut un triomphe et qu'il se trouve au sommet de sa gloire, le chef d'orchestre Alexis Kandilis commet une indélicatesse dont les conséquences pourraient être irrémédiables. Sa réputation est ébranlée. Aux déceptions et revers qui s'ensuivent il oppose la certitude de son destin d'exception. Mais les blessures les plus anciennes se rappellent à son souvenir. L'insidieux leitmotiv des «Kindertotenlieder» - «Les chants des enfants morts» - de Gustav Mahler lui chuchote sans répit le secret qu'il voudrait oublier. La chute est inexorable. Seules l'amitié ou la confiance de quelques proches semblent l'ouvrir à une autre approche de son talent, susciter en lui un homme nouveau, dont la personnalité glisserait de la toutepuissance à la compassion, de l'arrogance à l'empathie profonde. Se dessine peut-être
une métamorphose...
Roman haletant, parcours exalté, bouleversé par les véhémences de la musique, « Prince d'orchestre » est aussi une réflexion sur la part d'imprévisible que contient toute existence, sur la force du hasard et les abîmes de la fragilité humaine, sur les souffrances que convoque, apaise, et souvent transcende l'inépuisable fécondité de l'art.

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