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Éva a lu pour vous ..

Chroniques littéraires

Mon nom est Rouge

Orhan Pamuk

Folio

25 avril 2003

732 pages traduites par Gilles Authier

Polar Historique

Chronique

10 mars 2019

Ce roman est une miniature en soit où chaque détail de l'histoire est minutieusement décrit, où chaque personnage ou entité prend la parole pour nous conter le destin de l'Empire ottoman et de figures célèbres à travers des contes et légendes, où la vie des artistes enfermés dans les ateliers de dessinateurs et enlumineurs au service du Sultan est narrée, de leur enfance entre coups, sévices et viols de leur innocence par le chef de cet espace, pédophile par respect des règles, des coutumes immuables... Je suis restée atterrée j'avoue par ce texte, où tout semble couler de source, l'infamie étant naturelle, acceptée, en réalité des mots de dénonciation d'un système ancestral d'éducation des jeunes garçons, chair humaine inspirant désir et concupiscence de la part d'adultes, se positionnant, par ailleurs, comme des pères de substitution, et coulant des jours heureux auprès de leurs épouses et leurs enfants.


L'auteur, l'air de rien, analyse, en donnant la parole à quatre hommes narrant leurs jeunes années, les conséquences de ces viols sur leur équilibre mental, leur faculté à construire leur vie ensuite, leur aptitude à la résilience. On ne peut évidemment s'empêcher de faire un parallèle avec aujourd'hui où les pédophiles trouvent des appuis certains auprès d'organes d'autorités, leur vie facilitée par la nomination de certains nouveaux responsables aux postes les plus importants de la justice, du gouvernement, et par de nouvelles lois iniques...


Mais réduire ce roman, prix du meilleur livre étranger en 2002, à cela serait une erreur car il est également un thriller policier dès le premier chapitre intitulé avec un souci dramatique "Je suis mon cadavre" ! Cela promet... Tant dans le fond que dans la forme, il est original, ajoutant par petites touches des éléments essentiels à la compréhension de l'enquête et de cette micro-société des miniaturistes à Istanbul en 1591.


De plus, il se veut également roman d'amour à l'instar des légendes entourant certains couples mythiques de la littérature persane. Personnellement, la dulcinée m'a beaucoup agacée, tête à claques, mais ce personnage permet de comprendre la place de la femme, son statut en ce seizième siècle de l'autre côté du Bosphore, en des temps où l'influence de l'Occident sur les moeurs et les arts inquiètent les plus traditionnalistes et réactionnaires. Ainsi l'utilisation en peinture de la perspective, des ombres, la volonté de représenter fidèlement la vérité, la ressemblance avec les modèles souhaitant se faire portraiturer à la mode vénitienne tel le Sultan, inquiètent les plus extrémistes en matière de religion...


Les meurtres qui vont être perpétrés par l'assassin, dont nous ne découvrirons l'identité qu'à la fin d'un long périple à travers Istanbul jusqu'à la grande bibliothèque du Sultan, trouvent leur mobile dans cette opposition entre Orient et Occident. Perdurant aujourd'hui, cette réflexion sur l'origine du mal est passionnante et pertinente.


Un roman enrichissant, érudit, unique, drôle lorsque les dessins de chiens, de chevaux, d'argent, de mendiants prennent la parole, dont la construction parfaitement pensée augmente le sentiment de peur et de malaise. Un dépaysement total, un grand voyage au plus près des miniatures et des vies de chaque protagoniste examinées à la loupe.

Quatrième de couverture

Istanbul, en cet hiver 1591, est sous la neige. Mais un cadavre, le crâne fracassé, nous parle depuis le puits où il a été jeté. Il connaît son assassin, de même que les raisons du meurtre dont il a été victime : un complot contre l'Empire ottoman, sa culture, ses traditions et sa peinture. Car les miniaturistes de l'atelier du Sultan, dont il faisait partie, sont chargés d'illustrer un livre à la manière italienne...
Mon nom est Rouge, roman polyphonique et foisonnant, nous plonge dans l'univers fascinant de l'Empire ottoman de la fin du XVI ème siècle, et nous tient en haleine jusqu'à la dernière page par un extraordinaire suspense. Une subtile réflexion sur la confrontation entre Occident et Orient sous-tend cette trame policière, elle-même doublée d'une intrigue amoureuse, dans un récit parfaitement maîtrisé.
Un roman d'une force et d'une qualité rares.

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