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Éva a lu pour vous ..

Chroniques littéraires

Les pianos de la victoire

Martine Pilate

De Borée

19 août 2021

315 pages

Historique

Chronique

18 août 2021

7ème roman de cette auteure édité chez de Borée, très réussi, car il nous fait découvrir des faits et des réalités sur le racisme et la ségrégation, alors même qu'on pensait tout savoir sur ce sujet à maintes fois pris comme thème central. Et en cette période très particulière que nous traversons où, toute proportion gardée évidemment et pour d'autres raisons, la discrimination d'une partie des Français est appliquée depuis à peu près un mois, ce récit résonne particulièrement tantôt comme un gospel, tantôt comme un blues, un jazz fiévreux, un scat emporté et tonitruant, une balade, une chanson d'amour, une berceuse, un requiem.


Le fait même du métissage de Lucile du Plaissant, alliant en elle le meilleur de son père planteur blanc de Napoleonville et de sa mère noire, fille d'esclaves, permet encore mieux de toucher du doigt la réalité des deux mondes. La famille déménage à ses quatre ans pour le quartier bourgeois de Marigny à la Nouvelle Orléans y ouvrant un restaurant cabaret, le Spotted Cat ou chat tigré. Enfance rêvée pour elle et son frère Antoine, au cœur même de la musique. Alors qu'elle se tourne vers le chant dotée d'une voix puissante et chaude lui apportant des premiers succès, son frère clarinettiste engagé dans l'orchestre militaire sous la direction de James Reese Europe débarque bientôt à Brest avec les troupes américaines en 1917. Il fait ainsi partie de ces GI qui feront découvrir le jazz aux Français. Pour le jeune Américain ayant souffert des lois ségrégationistes de son pays natal, être soudain plongé dans une société où sa couleur de peau n'est en rien un frein à son envie de vivre, d'avoir des projets, de jouir de sa liberté complète, est une révolution, une mise en perspective de son acceptation obligée d'un racisme et d'un régime étatique inacceptables. Cette liberté d'abord inconcevable devient vite fondamentale pour lui.Puisque depuis l'abolition de l'esclavage en Louisiane datant de 1865 rien n'a changé dans les faits à l'enfer enduré par les noirs et les métisses, il ne peut envisager un retour aux USA d'autant plus qu'il trouve l'amour auprès de sa nouvelle épouse en Bretagne.


Pour Lucile, comprenant parfaitement les raisons de son frère, elle tente tout de même de faire carrière chez elle, et bien que les rencontres artistiques avec les grands noms du jazz soient enthousiasmantes, les projets de collaboration magnifiques, il n'en reste pas moins que sa goutte de sang noir est une gêne et lui vaut des scènes de brimades et d'injustices au quotidien même de la part des clubs où elle reçoit pourtant les ovations d'un public conquis, mais où sitôt sortie de scène, elle redevient une américaine de seconde zone en danger permanent. Est-ce ce qu'elle souhaite pour son fils Louis ? Non, donc départ pour la France ou déjà Joséphine Baker est une star, où le Jazz est à la mode.... Sa beauté, sa voix, son caractère lui permeteffectivementdefairesontroudanslemilieu....Maisl'amourdanstoutcela?Carsisacouleurdepeaunela freine plus, son statut de femme dans cette société patriarcale et mysogine, surtout dans le microcosme de la nuit et du spectacle, la relègue à nouveau dans l'ombre des hommes.


Il faut qu'elle puisse trouver sa place mais sur quel continent ? Au côté d'un compagnon blanc, symbole illusoire pour elle de sécurité, ou d'un noir ? Elle est perdue, son fils ressent fortement toutes les interrogations de sa mère qui deviendront en partie les siennes. À la mort de son père, Philippe du Plaissant, la voici de retour en Louisiane... Pour Louis c'est la découverte de ses origines et aussi de la ségrégation. Une chappe de plomb s'abat sur l'enfant en même temps que le bonheur de découvrir toute une famille. Le décès de l'ancien planteur marié à une noire provoque un tsunami sur le plan judiciaire.... Lucile prend alors enfin connaissance de la vérité quant au passé de ses parents... Peut-être une occasion de savoir d'où elle vient pour savoir qui elle est.


Pour son fils, pianiste puis clarinettiste comme son oncle, parti sous les drapeaux alors qu'il se destinait à des études de médecines aux USA, direction les côtes normandes où l'attend un fameux piano vert olive destiné à égayer les soldats..... Nous y voilà donc , les pianos de la victoire sont tous ceux ayant accompagné Lucile lors de ces concerts la portant vers une liberté rêvée, mais aussi pour Louis, ce compagnon de guerre inestimable, cet instrument en couverture de ce livre.


La musique consolante, lumineuse, fondatrice de nos personnalités grâce à l'exaltation et l'émotion qu'elle crée en chacun de nous est au centre de ce roman historique touchant et profond. De fort belles heures de lecture vous attendent ! Je vous envie....

Quatrième de couverture

Lucile est une jeune métisse qui rêve de devenir chanteuse de Blues. Influencée par ceux qui allaient devenir les maîtres du jazz : Betty Smith, Bechet, Armstrong... et soutenue par les siens, elle se lance avec un certain succès dans cette carrière qui la conduira jusqu'à Pigalle où le jazz explose. De retour à La Nouvelle-Orléans, Lucile reprend l'affaire familiale tandis que son fils Louis découvre le racisme. Étudiant en médecine et musicien, il est incorporé dans le seul bataillon noir non armé, chargé d'assurer la distraction des troupes grâce aux pianos de la victoire.

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