Éva a lu pour vous ..
Chroniques littéraires
Le syndrome Copernic
Henri Loevenbruck
Flammarion Thriller
2007
448 pages
Divers
Chronique
27 décembre 2017
Après un prologue qui vous happe immédiatement comme pris dans la déflagration d'une bombe, la première partie s'intitule: Le murmures des ombres
« Toi, tu rêves ; souvent du fond des geôles sombres, sort, comme d'un enfer, le murmure des ombres. »
Victor Hugo, les Châtiments, livre 7
Thriller scientifique et d'action avec des parfums de SF ; on le voudrait bien, mais non, c'est réel. Depuis la sortie du livre, les évènements à Paris, Nice, et ailleurs, nous ont rappelé que l'indicible était possible. Nous n'en sommes pas encore à l' Etat Islamique en 2006 lorsque la rédaction du livre fut terminée, mais tout se met en place depuis déjà des années pour son émergence.
Ce roman n'est donc pas une fiction complète et s'appuie, comme toujours avec cet auteur, sur une érudition formidable résultante d'une immense curiosité pour les sciences, l'histoire mondiale, les figures célèbres à travers les siècles. Et en particulier un homme à part Copernic, génial révélateur de l'héliocentrisme. Pendant des années, il criera la vérité, mais comme Cassandre, il ne sera pas cru. Évidemment, les autorités voudront classifier cette obsession et la nommer : Syndrome de Copernic ; "trouble qui fait que vous vous mettez au centre d'un événement exceptionnel, comme acteur principal. Vous vous placez au cœur de l'attention du monde entier. Et quand ce trouble se double du sentiment que personne ne veut vous croire, on parle alors de ce syndrome Copernic" ( résumé de quelques lignes pages 98) .
Notre héros est Vigo Ravel, il est schizophrène, a un travail de saisie de données des plus faciles dans une entreprise parisienne, et tous les lundis, il se rend au quarante quatrième étage de la Tour SEAM, à la Défense, pour son rdv avec son psychiatre le Dr Guillaume qui lui fait sa piqûre habituelle.
Nous sommes donc le lundi 8 août, un peu après huit heures du matin, il fait une chaleur torride. Soudain, Vigo entend un message dans sa tête, et inexplicablement se rue vers la sortie, quand à trente mètres de la tour..... À vous de lire la suite....
Ce qui est confondant avec Henri Loevenbruck c'est sa capacité à nous mettre en empathie avec son héros, qui de prime abord n'en a pas les caractéristiques loin s'en faut, ( malade, amnésique, cassé, sous médication, avec la larme facile et une attitude infantile). Dés les premiers mots, on est pris dans son histoire sans fond. Et même si les thèmes évoqués l'ont été par d'autres, il réinvente le style, nous plaçant au plus près de Vigo, presqu'à le toucher. C'est imparable !
De plus de péripéties en rebondissements avec quelques digressions scientifiques ou historiques pour le plaisir, le sien et le nôtre, plus qu'utiles, on découvre peu à peu un nouvel homme, un vrai premier rôle. Intéressant aussi est le stratagème de passer le témoin entre plusieurs personnages secondaires pour que Vigo soit toujours aidé dans sa quête de lui-même et de vérités. L'une d'entre elles est qu'il sait très vite que les voix qu'il entend ne sont pas des hallucinations, mais bien les pensées intimes des personnes qui l'entourent....
Un très bon thriller d'action, scientifique en premier lieu, touchant également à notre histoire et notre destin commun, à certaines questions philosophiques et déontologiques et évidemment, à la géopolitique. Complet donc, avec un héros troublant dans ses interrogations et ses imperfections.
J'ai également énormément aimé tous les passages écrits dans ses carnets de moleskine noir où il note tout, et particulièrement ceux où il pense perdre la tête, la conscience de la réalité. Là stylistiquement je dis chapeau maestro ! Les jeux de mots répétés, transformés, détournés, génial ! Grand plaisir donc de lectrice fan mais aussi critique, à la recherche d'un beau moment de littérature pure. Mission totalement remplie.