Éva a lu pour vous ..
Chroniques littéraires
Le pavillon des oiseaux
Clélia Renucci
Albin Michel
23 août 2023
288 pages
Historique
Chronique
27 novembre 2023
« Nous ne croyons le mal que quand il est venu. » Jean de La Fontaine
Et la pauvre Clélia Farnèse n'est pas armée pour affronter ce mal là, implacable, incontournable.
Époque crépusculaire et décadente de la fin de la Renaissance italienne alors que les grandes familles se ruinent en levant des emprunts offrant l'occasion inespérée à des roturiers de s'accaparer leurs biens peu à peu, alors que les immenses artistes qui ont illustré magnifiquement les palais, les cités, ont disparu ; dans une ambiance malsaine et délétère de décrépitude d'un monde, une femme par sa grâce, par sa vivacité, par sa beauté, fait encore briller le nom des Farnèse. Bâtarde, fille illégitime du cardinal Alessandro Farnèse, Clélia sera, sa vie entière, le jouet des décisions des hommes, de son père inique en particulier puis de tous les autres, fils compris. La seule fois où elle pense prendre sa vie en main en acceptant le cardinal Ferdinand de Médicis comme amant dans le magnifique pavillon des oiseaux de la célèbre Villa, ne se leurre-t-elle pas ? Car fille Farnèse, n'est-elle pas, tout compte fait, qu'un trophée de plus au tableau de chasse de ce séducteur invétéré. Et quel gibier !
Même son premier mariage à 13 ans avec Giovan Giorgio Cesarini, d'abord sous les meilleurs auspices, sombre inéluctablement de par la dissolution des mœurs et de la morale, de par également les complots du cardinal Ferdinand de Médicis, "meilleur ami" du couple bien naïf.Tout n'est qu'apparence, mensonges, calomnies. Les filles, les femmes assujetties aux décisions des hommes tout puissants sont dans l'incapacité de reprendre les rênes de leur existence.Somptueusement écrit, cette fresque historique, tout en étant admirable, nous refroidit le sang comme un venin, nous plonge en enfer. Époque empoisonnée où la vie de tous, hommes ou femmes, riches ou pauvres, ne vaut pas grand chose. La course au pouvoir semble si vaine et illusoire ! Ce roman décrit une longue et inexorable chute symbolisée par cette femme victime des circonstances et du patriarcat.Terriblement beau et poignant, d'une cruauté infinie.