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Éva a lu pour vous ..

Chroniques littéraires

Le monde selon Garp

John Irving

Seuil

1980 et 2018

668 pages traduites par Maurice Rambaud

Classique

Chronique

31 janvier 2019

Paru sous le titre original de « The world according to Garp » en 1976 aux Éditions Dutton, New-York, réédité en 77, 78.


En premier lieu, ce roman n'a pas vieilli, stylistiquement et dans le propos ; il est totalement et je dirais malheureusement d'actualité ! C'est tellement inouï, nous n'avons pas avancé, nous ralentissons et retournons en arrière en fait : l'obscurantisme refait toujours surface lorsque la civilisation est à la croisée des chemins, tant sur le plan de la société, de son évolution, du clivage femmes hommes, que du basculement cyclique et déjà entamé de notre pensée, de notre fonctionnement. L'Histoire de l'humanité est ponctuée depuis des millénaires par ces changements climatiques, de croyances, de philosophies. C'est ainsi et inéluctable. La fin d'un monde hier comme aujourd'hui avec des victimes collatérales à cette révolution.


Dans ce roman, il est question de liberté, de féminisme, du principe de création, de paternité, de responsabilité, de réussite, de célébrité et d'une certaine Amérique. Garp, ( ou Irving son presque double), décrit les personnages de leur conception à leur fin, scrupuleusement, et commence donc logiquement sa narration par les évènements qui conduisirent à sa naissance.


Nous rencontrons dès les premières lignes sa future mère, Jenny Fields, infirmière, issue d'une famille riche, qui voulut pourtant s'entêter à travailler et à être indépendante. L'acte sexuel en lui-même ne l'intéresse pas, les hommes la dégoûtent. D'ailleurs, nous ouvrons ce livre par l'arrestation de Jenny en 1942 à Boston après avoir agressé au scalpel un militaire en goguette un peu trop collant et insistant lors d'une séance dans un cinéma.

La honte pour la famille, des frères aînés qui interviennent rapidement désespérés qu'une telle Virago soit leur soeur. Ne pourrait-elle pas rentrer dans les rangs, se marier, se faire oublier ?


Mais non, et la suite des événements ne fera que confirmer l'originalité, pour le moins, de cette femme. Un peu trop transgressive pour sa hiérarchie, adorant les nourrissons, militant auprès des mères célibataires, hospitalisées seules au moment de leur accouchement en raison de l'absence du père sur le front en Europe ou décédé, la direction de l'hôpital finalement la mute aux services dédié à l'accueil des guerriers blessés.


Très pragmatique, elle les classe en quatre catégories : les Externes ( brûlés provenant de l'Hôpital naval de Chelsea), les Organes vitaux (aux douleurs internes), les Absents (qui ont cessé d'être psychiquement là) et enfin les Foutus, qui correspondent à plusieurs de ces catégories.


Miracle ! Un mitrailleur de tourelle d'un bombardier tombe littéralement du ciel pour atterrir dans les bras de notre Jenny. Elle veut un enfant, elle ne veut pas du géniteur. Garp est non seulement Absent mais bientôt Foutu. Cependant, il fonctionne parfaitement sexuellement... Une scène pour le moins acrobatique vous attend et Jenny obtient ce qu'elle veut avant que le valeureux donneur de sperme ne s'éteigne définitivement. Elle est virée de l'hôpital lorsque sa grossesse est trop visible, retourne chez ses parents, accouche sans révéler le nom du père et finalise tout cela en appelant son rejeton S.T. Garp pour Sergent Technicien Garp. Chouettes les débuts dans la vie de notre narrateur....!!!!

Nous n'en sommes qu'à la page 42 ! Accrochez-vous, ce n'est que le début. C'est furieusement drôle, caustique, critique et engagé comme propos. C'est même subversif en l'année de parution de 1976 !!!


Quarante deux ans après, travaillant sur son quinzième roman, le romancier collabore avec Warner Brothers à une minisérie en cinq épisodes adaptée du Monde selon Garp. Celui-ci, comme son créateur est adepte de la lutte gréco-romaine, l'auteur atteignant un haut niveau dans cette discipline pendant 20 ans et l'enseignant ensuite jusqu'à ses 47 ans. Un mental solide dans un corps sain ! Ne nous étonnons pas si Garp deviendra écrivain par amour pour Helen, la fille de son professeur de lutte.


Récompensé à de multiples reprises par de prestigieux prix, John Irving était l'invité de La Grande Librairie il y a peu de temps. C'était passionnant de l'entendre analyser le contenu, et le succès de ce roman, être tristement stupéfait de sa pertinence encore aujourd'hui. Le moyen pour nous, surtout en ce moment de trouble, de remise en question entre autres de l'ultralibéralisme et du patriarcat, de comprendre le phénomène cyclique de l'histoire, et cependant d'en accélérer le mouvement avec plus de clairvoyance. Il y a urgence ! Un livre prémonitoire à relire !

Quatrième de couverture

Jenny Fields ne veut pas d'homme dans sa vie mais elle désire un enfant. Ainsi naît Garp. Il grandit dans un collège où sa mère est infirmière. Puis ils décident tous deux d'écrire, et Jenny devient une icône du féminisme. Garp, heureux mari et père, vit pourtant dans la peur : dans son univers dominé par les femmes, la violence des hommes n'est jamais loin... Un livre culte, à l'imagination débridée, facétieuse satire de notre monde.

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