Éva a lu pour vous ..
Chroniques littéraires
Le livre des choses perdues
John Connolly
L'Archipel
2009
346 pages traduites par Pierre Brevignon
Fantastique
Chronique
30 juin 2018
« John Connolly est né à Dublin en 1968. En sept romans, dont La proie des ombres et L'Ange noir, cet ancien journaliste à l'Irish Times a imposé son style noir, fantastique et poétique. Ce maître du thriller a su mettre son univers au service de ce roman onirique - hommage aux livres et à la lecture. Le livre des choses perdues a été traduit dans 21 pays. »
Voilà, voilà, les éléments biographiques étant brièvement posés, je reste stupéfaite après avoir lu ce .... Quoi au juste ? Un conte philosophique ? Oui ! Un livre de fantasy ? Aussi ! Un roman historique et fantastique dont les différents niveaux de lecture peuvent contenter tout le monde, des adolescents aux adultes aux âmes d'enfants ? Là encore, tout à fait.
Un très beau livre fabuleux, où le héros de 12 ans, David, nous bouleverse dès les premières pages. Un gamin, qui en ce début de seconde guerre mondiale à Londres, passe des deals avec le destin en s'appliquant tous les matins à certains actes répétitifs, des Tocs, sensés assurer un destin heureux. Car en ces heures sombres où la RAF fait tout ce qu'elle peut pour repousser les attaques aériennes allemandes au dessus de Londres, sa maman est en train de mourir dans la douleur en soin palliatif pour cancéreux au dernier stade de la vie.
Une vie qui pour David est tellement difficile à supporter qu'il se réfugie dans les livres, les fictions, dans un monde irréel plus acceptable que celui dans lequel il survit.
C'est sa mère qui l'a mené à la littérature donc ainsi se sent-il plus proche d'elle. Mais inévitablement elle décède et le voilà orphelin avec son père. Le tandem réussit à s'en sortir plus ou moins, d'autant plus qu'il est hors de question que David parte avec les autres enfants envoyés à la campagne loin de leurs parents le temps du conflit.
Mais un danger guette tout de même notre jeune héros. La directrice du centre où fut hospitalisée sa maman a sympathisé au fil des mois avec le père et l'inconcevable se produit, ils tombent amoureux. David se met à haïr Rose, avec laquelle après le mariage ils vont vivre dans sa grande maison avec jardin à 80 km au nord ouest de la capitale.
David ne lâche rien pendant tout l'été, et oppose une force d'inertie polie à Rose, malgré ses tentatives de rapprochement, comme le fait qu'elle ait choisi de l'installer dans une chambre sous le toit remplie de livres variés. Le pire est la naissance de Georgie son demi-frère. S'en est trop, le deuil, le chagrin, la sensation d'être abandonné, oublié, rejeté font que soudain, il commence à avoir des crises pendant lesquelles il s'évanouit ou pire entend les livres lui murmurer à l'oreille.
Moments savoureux...
Évidemment il n'en parle pas au pédopsychiatre qu'il rencontre régulièrement. Trop peur d'être catalogué comme fou.
À cela s'ajoute la guerre qui même lointaine est une réalité dans la vie du père chargé de décrypter les codes allemands. De plus en plus absent, il laisse sa femme et ses deux enfants seuls. L'ambiance est morose, Georgie ne fait pas ses nuits et épuise sa mère, celle-ci est de plus en plus tendue. David se retrenche dans sa chambre où il a trouvé des livres ayant appartenu à un certain Johnathan. Un garçon de 14 ans, grand oncle de Rose disparu voici des années avec sa demie soeur de sept ans Anna.
Peu à peu, la frontière entre réalité et un autre monde devient de plus en plus floue, l'air vibre autour de David comme par temps de grandes chaleurs et dans un coin du jardin, d'un trou dans un mur, lui semble parvenir une voix.... Celle de sa mère ....
Après une dispute plus pénible que d'habitude entre Rose et David et une scène de colère magistrale du père contre son fils, celui-ci disparaît dans la nuit...
Est-ce l'Homme biscornu, vu un jour dans sa chambre, qui l'a enlevé ? L'histoire familiale se répète-t-elle ?
À vous de suivre David de l'autre côté, dans un monde où règne un vieux roi, impuissant face aux meutes de Sires- loups, mi hommes, mi loups, qui déferlent sur ses terres pour prendre le pouvoir, où certains garde forestier et chevalier continuent, eux, la lutte contre le Mal, ou des trolls et des centaures, des figures mythologiques, des princesses endormies, des enfants perdus, une Blanche-Neige obèse, des nains communistes prêts au meurtre.... croisent la route du garçon. Autant de moments dramatiques, formidables, magiques, ou franchement drôles...
Tout ce que David a pu lire, et il a beaucoup lu et de tout, est là ; tous les personnages de romans, contes de fées, souvent différents des originaux, croisent son chemin lors de ce voyage qui évidemment, vous l'avez compris, sera initiatique.
L'enfant va apprendre à aimer, pardonner, protéger, affronter ses peurs et va enfin faire son deuil. Mais pourra-t-il rejoindre son monde et pour cela, prendre le Livre des choses perdues appartenant au vieux roi ? L'homme biscornu le protège pendant son périple et en même temps ne semble pas lui vouloir du bien ? Pourquoi ?
Tout parallèle ou métaphore que vous voudrez entrevoir seront justes car, ce conte fantastique l'est aussi, parce qu'il répond à ce que chacun veut y trouver comme explication....
" Je trouvais plus de sens profond dans les contes de fées qu'on me racontait dans mon enfance que dans les vérités enseignées par la vie. " Friedrich Schiller "
Tout ce qui peut être imaginé est réel."
Pablo Picasso.