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Éva a lu pour vous ..

Chroniques littéraires

Le Cycle des Gloria

Andrea H. Japp

Le Masque - Hachette Livre

2001

951 pages

Thriller

Chronique

26 février 2019

Retour sur la « Parabole du tueur » de Andrea H. Japp, premier tome du cycle de Gloria, paru en 1996, 227 pages, la tétralogie se retrouvant dans un seul livre à la couverture bleue ci-dessous parue en 2001 aux mêmes éditions.


« L'animal le plus féroce connaît la pitié. Je ne la connais pas et ne suis donc pas animal. »

Richard III de W. Shakespeare


Extrait de la présentation de l'intégrale :

« Il s'agit d'un tueur en série. Surnommé Lady-Killer, il peut s'enorgueillir d'avoir fait sept victimes dès le premier chapitre. Des femmes mais "aucune [...] n'avait été violée, en dépit des connotations particulièrement sexuelles des meurtres". Les trois premières ont été éventrées, et leur utérus, " excisé et retourné en doigt de gant", a été déposé à côté du corps. Pour les suivantes, le scénario s'enrichit d'autres détails sanglants. Le problème est que la localisation des crimes et le choix des victimes paraissent aléatoires : brunes, blondes, mariées, célibataires, grandes, petites, tuées en banlieue comme en rase campagne, et pas forcément dans le même État, elles n'ont que deux points communs. Elles sont blanches et adultes. » Marie-Caroline Aubert


En ce début de la première enquête sur laquelle vont collaborer le profileur du FBI, James Irwin Cagney et la mathématicienne, Gloria Parker-Simmons, rien ne va plus, tout le monde est au point mort. Aucune piste pour continuer à rechercher le monstre Lady-Killer. Cagney, 56 ans, élégant, pointilleux, talentueux, en plein divorce difficile, est dans une situation plus que délicate. Il se résigne donc à faire appel au " petit rapace", comme il l'a lui-même baptisé, Gloria ParkerSimmons. Ses services sont très onéreux, ses méthodes s'appuyant seulement sur les mathématiques à l'opposé des siennes, celles de la psychologie du comportement criminel. Les rapports entre eux sont très policés mais ne cachent pas l'aversion qu'il éprouve pour cette trentenaire froide et calculatrice. Celle-ci ressent la haine de Cagney mais elle s'en fiche. En fait tout l'indiffère exceptées les énigmes aux variables inconnues qu'elle doit résoudre, et sa nièce, Clare, attardée mentale, un ange en institut spécialisé à San Francisco.


Évidemment on se doute bien que tout cela n'est que façade, que Gloria est un personnage principal complexe, traumatisé, une survivante au comportement ultra maîtrisé afin de ne pas laisser transpirer sa terreur permanente ou laisser deviner ses secrets.

Elle est là sans être là vraiment, et pourtant elle ressent avec beaucoup d'acuité les anomalies de comportement comme celui de l'agent du FBI Morris, travaillant sous les ordres de Cagney.

Elle met tout en œuvre, utilisant les intervenants de cette histoire, à l'instar de Katherine, une survivante, comme de simples variables d'une équation devant la mener au tueur par sa résolution logique. Encore faut-il être capable d'écrire correctement cette équation, et de lancer les bons programmes de calcul sur son ordinateur. La difficulté pour Gloria est lorsque ces x ou y deviennent humains, réels. Elle frôle le précipice, s'accrochant avec désespoir à son amour pour Clare. Elle ne perçoit pas que son intervention est complémentaire de celle du très émotionnel Cagney.


Dès la lecture des premières pièces du dossier, elle pointe immédiatement un détail qui changera toute l'orientation de cette chasse à l'homme. L'aiguille de l'horloge tourne très vite. Clare restée seule à la veille de son anniversaire, un jour très particulier pour toutes les deux, est de plus en plus incontrôlable. Pour Gloria, obligée d'être à Chicago, c'est une torture. Quant à Cagney, le cauchemar serait que le tueur frappe à nouveau. Ils n'ont pas le choix, ils doivent s'entendre pour arrêter cette hécatombe, en mémoire des victimes.


Le montage de ce récit est prodigieux, les personnages principaux forcent notre empathie, attentifs à leur évolution psychologique, à leur relation. On se doute immédiatement que ces deux-là sont partis pour une longue histoire.


L'autrice, française, scientifique, a vécu et travaillé aux USA. Elle en connaît parfaitement ses imperfections, complexités, qualités, géographies.

Un théâtre parfait pour cette série car rien n'y est simple, tout y est contradictoire : les plus riches y côtoient les plus misérables, les intelligences les plus brillantes voisinent des aberrations les plus effarantes, une législation sévère fait face à des délits, crimes, les plus violents. Civilisation contre sauvagerie toujours en attente. " On ne sait jamais quand ça va péter, ni pourquoi. Il faut faire attention tout le temps."

Marie-Caroline Aubert précise : " Ce que vivent Gloria, Cagney et ses adjoints du FBI ne pourrait pas arriver en France, pays beaucoup plus homogène. La coexistence d'extrêmes aussi marqués offre une ouverture du champ des possibles, et entraîne une radicalisation des personnages."


Tous sont au bord du gouffre en apnée, à l'instar de cette Amérique, qui semble toujours proche de l'explosion. Et ce livre fut écrit il y a plus de vingt ans !


Retour sur " Le sacrifice du papillon" de Andrea H. Japp, deuxième tome du cycle des Gloria, paru en 1997 aux Éditions du Masque-Hachette, réédité en 2001 avec les autres opus, version que j'ai lue de 254 pages.


« For nothing can seem foul to those that win. »

« Car rien ne paraît infâme aux yeux de ceux qui gagnent. » William Shakespeare, Henry IV.


Extrait de la présentation de l'intégrale par Marie-Caroline Aubert :

« Dans le Sacrifice du papillon, ce sont les corps de très jeunes garçons (12 à 15 ans en moyenne) qu'on retrouve calcinés dans des lieux isolés, en divers points du territoire. Certains portent des traces de coups sur la tête et d'amphétamines dans le sang, des cicatrices de fractures aux jambes et aux bras. Tous mexicains, par conséquent des proies faciles pour les réseaux de trafiquants ou de prostitution. Du moins est-ce la piste la plus plausible. Mais comment expliquer qu'ils aient des plombages de luxe, à plus de cinq mille dollars. »


Dans ce deuxième opus, bien que l'histoire soit bien construite, intéressante, le suspense constant, alternant l'enquête à proprement dite et des épisodes tout à fait malsains et glacants mettant en scène un couple dont on ne comprend ni les liens, ni le fonctionnement pervers, j'ai été moins accrochée, devinant rapidement à des détails, qui sont les coupables. En revanche, leur mobile est resté inconnu jusqu'à la fin.


Le thème central est l'enfance bafouée, trahie, abîmée dans son innocence : les victimes mexicaines, quantité négligeable utilisée pour on ne sait quoi, mais aussi Gloria. En fait, ce récit est centré sur elle, son histoire personnelle, sa relation à Clare, sa nièce attardée mentale, placée dans une institution spécialisée à San Francisco, son seul lien avec la vie, la seule raison pense-t-elle, pour ne pas se ficher en l'air.


Cet épisode est réellement un parcours initiatique pour la jeune femme poussée dans ses derniers retranchements, par la traque elle-même et des menaces précises sur Clare, par le décès d'un ami proche vécu comme un abandon, mais aussi par le profileur du FBI, James Irwin Cagney, qui fait à nouveau appel à ses compétences de mathématicienne pour élucider ces meurtres épouvantables.

Cela fait un peu moins d'un an qu'ils ne se sont vus depuis la dernière affaire de " La parabole du tueur". Il ne l'a pas oubliée, ne comprenant pas lui-même son intérêt pour cette femme si froide et détestable.

Cependant, peu à peu, la façade de Gloria se fendille laissant percevoir une vérité si monstrueuse qu'il en vient à changer son opinion et à vouloir l'aider.


Panique donc à bord pour Gloria : tout son univers bien ordonné est en danger, le désordre s'insinue dans son existence, le vertige de terreur face à cet homme qui se rapproche d'elle, qui pourrait la comprendre, prendre de l'importance dans sa vie pour ensuite forcément la trahir, la lâcher... la terrorise. Et lui est terrifié à l'idée qu'elle puisse se refermer totalement et disparaître.


Mais les évènements vont se précipiter, des battements d'ailes de papillons bruissent annonçant le drame, des corps de victimes innocentes sont retrouvés à Boston, Chicago, San Francisco. Pas vraiment le temps pour une séance de nombrilisme. Il faut agir et très vite. L'ajout de certains personnages apporte aussi plus d'humour dans les dialogues, allégeant heureusement un thriller très sombre. J'attends donc impatiemment de lire le troisième tome dans la foulée.


Retour sur " Dans l'oeil de l'ange" de Andrea H. Japp, troisième tome du cycle des Gloria... paru en 1998 aux Éditions du Masque-Hachette Livre, 219 pages dans la version intégrale de la tétralogie que j'ai lue, parue en 2001, la couverture bleue ci-dessous en photo.


« Les créatures qui peuplent la voûte céleste

Font naître l'incertitude dans le cœur des hommes sages.

Aussi garde-toi bien de lâcher le fil de la sagesse,

Car les puissances qui nous gouvernent elles-mêmes sont égarées. » Omar Khayyam


Il sera très difficile pour Gloria d'être un ange, non comme Clare, sa « nièce » attardée mentale, mais comme un ange vengeur, exterminateur, terrassant tous les dragons de cette terre, tant sa peur est immense et sans fin.

Elle devra donc lutter contre sa tétanie réactionnelle dès qu'un élément, qui jusque là était un composant de ses équations, devient une réalité menaçante. Elle, la mathématicienne surdouée, en contrôle constant, à laquelle faisait appel le FBI pour résoudre des crimes en série, toujours maîtresse d'elle-même, du moins en apparence, a été piégée par James Irwin Cagney, profileur intuitif et brillant de 25 ans son aîné.

Il a réussi à percer un trou dans la carapace de la jeune femme, chose que personne n'avait tenté jusque là. Le trou devient béance, un gouffre qu'elle va fuir jusqu'en France revendant ses deux domiciles, emmenant enfant et chien dans ses bagages. Un sauve qui peut désespéré.


À Quantico, ces messieurs, Cagney et son adjoint Morris, errent comme des âmes en peine, toujours accros à la belle, terrifiés à l'idée que sa disparition soit définitive. Enfin, Ringwood, l'analyste de l'équipe, toujours une réflexion cocasse aux lèvres, regarde tout cela d'un œil torve, œil qui bientôt sera effaré lorsque Morris revient avec une fiancée, copie conforme fadasse de Gloria. Cagney est proprement dégouté et furieux de ce jeu malsain auquel s'adonne Morris... cela le met aussi en face de ses propres limites et la folie de son obsession pour Gloria Parker-Simmons. Ou est-ce de l'amour ?


Cinq mois après leur dernière enquête commune, rien ne va plus, l'autrice décide de se focaliser donc sur Cagney tout en nous donnant des nouvelles de Gloria. Celle-ci ne reviendra dans le jeu auprès de l'équipe du FBI qu'au deux tiers du thriller. Entre temps, ces messieurs vont devoir se débrouiller seuls aidés par une nouvelle recrue, Dawn Stevenson.


Marie-Caroline Aubert dans sa présentation de l'intégrale écrit :

« Dans l'œil de l'ange" commence par la découverte en pleine forêt canadienne du corps nu d'une jeune fille atteinte du sida, tuée par balle. Puis plusieurs employés du laboratoire pharmaceutique dont elle a été brutalement licenciée peu de temps auparavant sont à leur tour abattus sauvagement. La femme du patron du laboratoire connaît également une mort violente, mais selon toute apparence, il s'agirait plutôt d'un crime de cambrioleur.... »


Comme d'habitude, ce roman comme les précédents, est très juste quant à l'analyse psychologique des personnages et en particulier des deux solitaires sur le chemin d'une convergence l'un vers l'autre, Gloria et Cagney, jusqu'à la rencontre que nous attendons avec impatience.


Mais là aussi, le suspense comme pour l'enquête criminelle, est très bien ménagé jusqu'au bout. Il faut dire que Gloria est la championne de l'évitement.

Ce tome 3 est un polar très noir, violent, où l'humour et des dialogues ciselés allègent avec bonheur l'atmosphère. Là encore, les corps sont retrouvés dans des endroits divers du territoire des USA ce qui justifie l'intervention du FBI.


Dans toutes les enquêtes de cette série, après les premières constatations, interviennent les différents services, la police scientifique, les laboratoires de biochimie et d'analyses génétiques, les interrogatoires de routine, les confrontations avec des témoins ou des coupables potentiels, pour obtenir un dossier presque complet et donc des données sur lesquelles Gloria va pouvoir plancher en les transformant en abstractions mathématiques.

« La solution découle obligatoirement de l'essence du problème » : Sui generis.

Cagney et Gloria sont complémentaires car utilisant des méthodes différentes.


« Partant du principe qu'en tout état de cause le respect élémentaire vis à vis du public est de lui présenter une enquête impeccablement ficelée, Andrea H. Japp respecte les règles du genre et traque l'indice avec un soin méticuleux. » Docteur en biochimie, l'écrivaine est parfaitement placée pour traiter du sujet central de cet opus, malheureusement d'actualité voici vingt ans et encore aujourd'hui. Là réside pour moi le vrai thriller, cette perpétuation du mal absolu pour simplement s'enrichir sur la vie d'innocents.


Un très bel épisode donc, j'aurais préféré qu'on appelle cette série le cycle Gloria-Cagney, cela aurait été plus juste.


Retour sur « La raison des femmes » de Andrea H. Japp, dernier tome du cycle des Gloria.. paru en 1999 aux Éditions Le Masque-Hachette Livre, 225 pages dans la version intégrale de la série, couverture bleue en photo ci-dessous, parue en 2001 chez le même éditeur.


« L'odeur du sang ne me quitte pas des yeux. » Eschyle


Une histoire de femmes, universelle, millénaire, qui se répète inlassablement, dont l'écho crée des ondes de chocs, des morts, des renaissances peut-être, une histoire qui quoiqu'il en soit, fermera le cycle des Gloria, de la souffrance, du trauma. Toutes vont être complices sans le savoir pour certaines, une seule aura une vision d'ensemble, notre mathématicienne de génie, Gloria.


Celle-ci a enfin accepté de laisser une place dans sa vie et celle de sa douce Clare, sa " nièce" handicapée mentale, son ange gardien, à James Irwin Cagney, profileur au FBI. De toute façon elle n'a pas le choix, la vie toute puissante lui prépare une belle surprise.

Donc plus d'alternative possible, elle va devoir s'ouvrir aux autres, à ce nouvel amour...


Et l'existence va également lui donner l'occasion de solder ses comptes avec son passé, grâce à la nouvelle enquête sur laquelle vont se concentrer Cagney, l'analyste Richard Ringwood et un nouveau venu, le jeune agent afro-américain, Lionel Mary Glover. Encore plus de dialogues drôles et épicés dans ce tome, que j'ai beaucoup apprécié. Ajoutons le tandem improbable de flics de Boston, attendrissant et très efficace, Bob Da Costa à deux ans de la retraite, et sa partenaire, la jeune Elizabeth-Ann Gordon, rebaptisée Squirrel, en référence aux écureuils gris à qui elle emprunte la couleur de sa chevelure.


Fait amusant : tous les enquêteurs de cette équipe ont été façonnés et profondément marqués par les femmes de leur vie : mères sœurs, épouses, compagnes et même fantasmes. Ce sont des hommes qui aiment, craignent, admirent les femmes et c'est particulièrement important dans ce récit.

Au centre de l'enquête le mal que certains font à des innocentes, un temps affaiblies, mais qui sont susceptibles de devenir dangereuses.


Dans sa présentation de l'intégrale de la série des Gloria, Marie-Caroline Aubert écrit :

« La raison des femmes [ comme dans le précédent tome où des crimes pouvaient passer pour des cambriolages ayant mal tourné] pose le même problème : Des meurtres violents ayant apparemment des traits communs, mais pas assez pour leur trouver une solution. D'anciens collègues du bureau de Charles Owens, riche propriétaire d'une entreprise de matériel médical, sont inexplicablement abattus l'un après l'autre, avec une arme qui a servi dix ans plus tôt à tuer un couple de médecins à l'autre bout des États-Unis. Dans chaque cas, l'appartement a été saccagé. »


Cagney se retrouve, avec son équipe, toujours dans une impasse à un moment donné, et est invariablement contraint de demander l'aide de Gloria. Cette fois, elle le fera gracieusement, elle y trouve son compte : elle croisera les variables en essayant d'en extraire leur essence : Sui generis. Ainsi elle trouvera le bon système d'expression du problème, la bonne formule ou équation mathématiques. Cet opus m'a particulièrement touchée, le tandem Gloria-Cagney est très attachant, je le quitte à regret.

Quatrième de couverture

Née en 1996 sous la plume de Andrea H. Japp, la mathématicienne Gloria Parker-Simmons se détache rapidement de sa créatrice pour acquérir une autonomie qui n'appartient qu'aux héroïnes d'exception.
Tout au long des quatre romans qui composent ce volume, elle évolue au rythme d'enquêtes particulièrement retorses, mais aussi et surtout au rythme de son histoire personnelle, dans laquelle le rôle du profileur du FBI James Irwin Cagney croît en importance.

Lorsque Gloria réfléchit, l'écriture d'Andrea H. Japp se fait dense et précise, déchirante quand elle aime ou déteste, et la romancière parvient ainsi- talent ou magie ?- à doter le lecteur d'une amie. Plus, d'une sœur.

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