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Éva a lu pour vous ..

Chroniques littéraires

Le clan Spinoza-Amsterdam 1677 - L'invention de la liberté

Maxime Rovere

Flammarion

2017

560 pages

Historique

Chronique

13 janvier 2018

Roman biographique qui s'attache au personnage de Baruch d'Espinoza, aussi Bento ou Benedictus selon les signatures, mais aussi aux hommes et femmes qui ont fait partie de son cercle proche, qui ont étudié, cherché, se sont mis en danger avec lui, pour mener à une philosophie nouvelle.C'est là l'intérêt du livre, portrait de ses oubliés, et d'une Europe en pleine mutation.


Baruch Spinoza est né à Amsterdam en 1632, il est néerlandais d'origine portugaise. Son grand père et sa famille quittent l'Espagne en 1492 après que Ferdinand d'Aragon et Isabelle de Castille aient imposé au musulmans et juifs, par le décret de l'Alhambra, de renier leur religion pour le catholicisme, et se retrouvent peu de temps après dans les mêmes difficultés au Portugal. Ils doivent se convertir car Manuel 1er, qui vient de se marier avec Isabelle d'Espagne, se positionne comme les souverains espagnols. Il ordonne des baptêmes forcés aux juifs ayant des positions importantes dans la société. 20 000 familles se convertissent mais l'Inquisition s'en mêle. Donc le chef de famille Abraham décide de rejoindre son frère établi à Nantes, y reste vingt ans, puis les nouveaux édits de Louis XIV contre les juifs les obligent encore à s'exiler cette fois à Amsterdam qui vient d'instaurer la liberté de culte pour les juifs.


C'est donc dans le quartier juif que naît Baruch, son père est marchand, et l'enfance du futur philosophe tourne autour du le Talmud Torah, l'école de la communauté, acquérant une bonne maîtrise de l'hébreu et de la culture rabbinique, en cela sous la direction du Rabbi Morteira. Il approfondit ses connaissances de la Loi écrite, aux commentaires médiévaux de la Torah, ainsi qu'à la philosophie juive (Maïmonide).

Les juifs portugais sont bien tolérés à Amsterdam, ils parlent néerlandais avec leur concitoyens mais portugais entre eux. C'est en latin que Spinoza écrira, comme la quasi totalité de ses collègues européens.


A la mort de son père, il doit reprendre à 22 ans avec son frère Gabriel les affaires familiales, or la gestion de cette entreprise n'a pas été des plus judicieuses. Dans le même temps, Baruch a fait la rencontre de libres penseurs, comme Juan de Prado, remettant en question les dogmes.Cela revient évidemment aux oreilles des autorités juives. De plus, lorsque pour se sauver de la banqueroute, il met ses intérêts entre les mains d'un avocat, et en appelle à la justice du pays, c'est le faux pas de trop.

La communauté et les Rabins donnent la préséance à la loi juive sur les lois du pays.En en appelant à une autorité extérieure, il se met en fâcheuse posture. Et donc en 1656, il est frappé par un Hérem ou excommunication, qui le maudit pour cause d'hérésie, définitivement.


Pour le jeune homme, toujours croyant et non athée, comme trop faussement dit par ses contemporains et la postérité, ce n'est pas une catastrophe ; il s'est éloigné des dogmes et a sauvé sa situation matérielle, il peut maintenant s'adonner à sa passion : la philosophie. Il commencera par la pensée de Descartes, puis s'en détachera pour se forger sa propre philosophie avec d'autres amis.


« Alors que Descartes prévoyait d'approfondir trois sciences (logique, géométrie, algèbre) et de réorganiser l'ensemble des savoirs par l'action unificatrice d'un seul esprit, Spinoza se propose d'améliorer la situation de l'esprit humain à partir d'un grand nombre de disciplines : « La compréhension de la nature, la théorie politique, la morale, l'éducation des enfants, la

médecine, la mécanique... « Son novum institutum est donc à la fois pragmatique et politique. Les sciences forment un projet collectif destiné à orienter le devenir de l'humanité. » »3 hommes en particulier, chacun dans son domaine de prédilection, vont se détacher du groupe, Adriaen Koerbagh encyclopédiste génialissime, en avance de plusieurs siècles, Franciscus Van den Enden philosophe activiste républicain à la tête d'une école (où Spinoza apprendra le latin entre autres, découvrira l'antiquité, les grands penseurs du XVI et XVII ème siècles comme Hobbes, Bacon, Grotius, Machiavel ), et Sténon, Anatomiste fabuleux.

Ajoutons Henry Oldenburg, secrétaire de la Royal Society. Les destins de ses quatre figures de la pensée de ce XVIIème siècle sont enchevêtrés et nous sont racontés en chapitres très courts et très clairs.Le cheminement intellectuel de chacun, les discussions passionnées, les disputes, les rivalités, les trahisons, ayant pour décor un pays qui change de régime politique, qui doit faire la guerre aux espagnols, puis aux anglais, puis aux français, sur terre et sur mer, nous sont formidablement, avec verve et truculence, rapportés grâce aux correspondances retrouvées, aux témoignages, et à l'imagination et le talent de l'auteur, spécialiste de Spinoza et professeur de philosophie.


Je vous laisse lire les oeuvres du grand homme : Les principes de la philosophie de Descartes, l'Ethique, le Traité théologico-politique, le Traité de la réforme de l'entendement, et le court Traité politique publié au XIXe siècle.Il fut évidemment comme tous, à part Sténon qui va devenir un catholique très prosélithe, trahissant même la mémoire de son ami en remettant un exemplaire de l'Ethique à l'Inquisition, l'ennemi de l'état et des autorités religieuses. Considéré comme un ancien juif, athée de plus, ce qui est le pire en ce siècle où l'on doit être rattaché à une religion, il meurt en 1677 après une vie de combat, malade, ayant consacré son existence à la recherche de la vérité, et d'une liberté d'être et de penser pour tout homme. Philosophe courageux, inspirateur pour toute la pensée moderne jusqu'à nos jours.


Livre réussi, cherchant à créer l'intérêt pour la philosophie, d'une manière ludique, joyeuse, précise, intelligente. Long mais formidable !

Quatrième de couverture

Le Clan Spinoza mobilise toutes les ressources du roman pour faire renaître le monde dans lequel a vécu Bento de Spinoza, entre Amsterdam et La Haye, dans cette Europe du XVIIe siècle qui a vu l’avènement de la Raison Moderne.
Il célèbre les aventures de ceux qui partirent à la conquête de la liberté, hommes et femmes oubliés par l’Histoire et pourtant hauts en couleur. Parmi eux, Saül Levi Morteira, grand rabbin de la communauté juive d’Amsterdam ; Adriaen Koerbagh, encyclopédiste en avance d’un siècle sur son temps ; Franciscus Van den Enden, activiste farouchement opposé à Louis XIV ; Sténon, anatomiste de génie...
Suivant les destins capricieux des familles, des amours, des amitiés et des idées, ce livre foisonnant, original, palpitant, dessine la figure inédite d’un Spinoza « en réseau ». Grâce à lui, l’éclat de la philosophie, au lieu de nous aveugler d’admiration pour l’un de ses plus grands auteurs, nous aide à mieux comprendre ce qu’est le monde – le sien, le nôtre – et même ce que signifie... comprendre.

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