Éva a lu pour vous ..
Chroniques littéraires
La note secrète
Marta Morazzoni
Actes Sud
2012
301 pages traduites par Marguerite Pozzoli
Historique
Chronique
13 février 2020
Illustration de couverture : Ramon Casas, 1902.
La Note secrète a été récompensé par plusieurs prix littéraires en Italie, entre autres le prix Alessandro Manzoni 2011 et le prix Alassio centolibri " Un autore per l'Europa" 2011."
De nombreuses histoires incroyables doivent dormir dans les archives du Vatican... Mais certaines sont remontées à la surface, ayant été de véritables scandales voici des siècles. Les faits décrits de façon romancé dans " La note secrète" sont tellement exceptionnels, tellement inoubliables, qu'ils ont déjà été révélés dans un livre précédent en 1991 qui a inspiré Marta Morazzoni, comme elle l'explique en fin d'ouvrage.
Paola Pietra méritait véritablement d'être remise dans la lumière, au centre de cette intrigue époustouflante digne des meilleurs films historiques, d'amour et de cape et d'épée. Un destin si particulier, si unique, que j'en suis restée abasourdie, admirative. Cette femme est un symbole intemporel et un exemple...
Des nonnes enlevées au sein même d'un couvent, ce n'est pas original, mais que l'une d'entre elles s'échappe, d'elle-même, loin de cette prison dans laquelle sa famille l'a enfermée, c'est un cas d'une grande rareté. Certainement, elle reçut une aide effective au sein même du couvent : le but était de la faire disparaitre du jour au lendemain et de lui permettre ainsi d'avoir un avenir. Bien sûr, la découverte de la musique, du chant, fut le déclencheur pour Paola. Plus encore, le pouvoir d'évasion qu'offre sa voix ou son art est immense et son espoir en la liberté, en s'affirmant, devient dangereux pour l'ordre établi.
Depuis peu, en ce XVIIIe siècle où les femmes sont des biens, l'Eglise les autorise pourtant à être laudatrices de la parole sacrée malgré le péché originel d'Ève. Ainsi dans ce couvent rattaché à l'église Sainte Radegonde à Milan, obéissant à la règle de Saint Bernard, la mère abbesse voit d'un mauvais œil l'engouement du public nombreux venu assister aux messes, attiré plus par la beauté des voix du chœur, que par dévotion religieuse. La beauté est considéré par certains comme une arme du malin. En particulier, les timbres de la sœur Rosalba, soprano, et de son élève la jeune sœur Paola, contralto, ravissent les âmes et les cœurs... Elles séduisent et c'est insupportable ! L'un de ces cœurs battra plus vite que les autres à l'écoute de la voix chaude et grave hors norme. Imaginez, écouter une voix, en tomber follement amoureux, et décider de lier sa vie à l'ombre à laquelle appartient cette merveille, cachée aux yeux des simples mortels, des laïcs. Imaginez aussi le scandale pour la famille aristocrate de l'évadée qui ne peut, à cette époque, rompre ses vœux... Elle ne s'appartient pas, tout le monde veut la retrouver pour lui demander des comptes. Être Femme alors, ce n'est pas être libre.
C'est la fuite éperdue des amants, c'est cet amour fou entre un diplomate anglais et une nonne à la voix d'or, que Marta Morazzoni vous raconte dans cette fresque italienne puis française et anglaise, de Milan à Venise, Rhodes, Marseille, Londres et enfin Rome, où le destin de Paola se jouera lors d'un procès à peine croyable.
J'ai adoré ce texte, ces personnages ; j'ai aimé que l'auteure nous fasse partager les affres de l'écriture d'un tel destin, par des apartés ponctuant la narration des aventures de ce couple, mais aussi de la soeur Rosalba, musicienne et interprète surdouée admirée en son temps. La chanteuse lyrique que je suis fut particulièrement touchée par ces lignes. Beau, très beau.