Éva a lu pour vous ..
Chroniques littéraires
La Belle main
Gilbert Bordes
De Borée Terre de Poche
6 octobre 2022
256 pages
Historique
Chronique
19 décembre 2022
Nouvelle charte graphique et nouveau logo pour fêter les 20 ans de la collection Terre de poche.
« La rencontre de deux êtres blessés : Paul, luthier et Solène, étudiante qui ne sait rien de son passé. »
1965. Entre Paris et la Corrèze. Entre présent lumineux et passé ténébreux.
Que savons-nous vraiment de nos parents ? Les connaissons-nous réellement ? Si nous faisions abstraction de nos liens filiaux, d'affection ou de détestation, si nous prenions le temps de regarder réellement sans complaisance, en toute honnêteté, ceux qui sont ou furent nos parents, que découvririons-nous de dérangeant, de honteux, d'incompréhensible ?
Pouvons-nous, forts de ce que nous concluons de nos recherches, les juger, les condamner ou les absoudre ?
D'autant plus lorsque nos parents furent de jeunes adultes au moment de la déclaration de la Seconde Guerre mondiale et pendant l'occupation allemande...
Qu'aurions-nous fait à leur place ? Aurions-nous été résistants ou collabos ?
Qui sommes-nous pour porter un jugement, me direz-vous ?
C'est le dilemme qu'affronte Solène, l'héroïne de ce roman, en quête de vérité absolue, ne se satisfaisant plus d'un silence délétère, étouffant, celui tuant, année après année, sa mère Josette.
Le hasard va se jouer des deux femmes : en effet par l'entremise des parents d'une copine de la jeune fille, la Corrèze va revenir dans leur vie et plus précisément cette Sologne si belle sous le soleil, qui peut soudain paraître inhospitalière, dangereuse, venimeuse, avec sa nature sauvage, ses landes stériles, sa population taiseuse, son âpreté.
La réaction de la mère à la simple évocation du nom de Breugère par sa fille, d'une violence inouïe symptomatique d'une douleur abyssale, ne laisse aucun choix à la jeune Solène. Elle doit comprendre d'où elle vient, ce qui a détruit Josette alors qu'elle-même est à l'aube de sa vie d'adulte.
Alors oui, elle accepte le temps d'un été, malgré le chantage affectif maternel, ce poste de nounou des deux jeunes enfants du docteur Breugère. Ce dernier est un être littéralement brisé, handicapé de corps mais à l'esprit indomptable. La fille joue du violoncelle, elle a besoin d'un nouvel instrument. C'est ainsi que Paul, un vieil ami du châtelain du temps de la Résistance entre en scène.
L'attirance est immédiate entre notre héroïne et l'artisan malgré les vingt ans qui les séparent. S'éveillant à l'amour, à la musique, Solène cherche également dans les archives remisées au grenier des traces de sa mère, des preuves qu'un drame s'est déroulé à la fin du conflit mondial emportant la jeune Josette dans la tourmente. Une photographie démontre que Paul la connaissait. Le docteur Breugère et le luthier sont-ils coupables de crimes, de maltraitance à l'encontre de sa mère ? Peut-elle vraiment lier son destin à celui de Paul, alcoolique, encore traumatisé par les évènements passés ? La rédemption est-elle envisageable ? Pourra-t-elle leur pardonner ? Mais si tout ce que les uns et les autres croyaient être la vérité n'était qu'illusion ?
Un roman contrasté à l'instar de la très belle couverture, en un jeu subtil de lumières et de ténèbres.