Éva a lu pour vous ..
Chroniques littéraires
L'Institut
Stephen King
Albin Michel
Janvier 2020
601 pages traduites par Jean Esch
SF
Chronique
1 juin 2020
Titre original : The Institute. «
Mais celui qui offensera un de ces petits qui croient en moi, mieux vaudrait pour lui qu'on lui suspense une meule à âne autour du cou et qu'on le précipite au fond de la mer. » Mathieu, Chapitre 18
« Aussi angoissant que Charlie, d'une puissance d'évocation égale à Ça, L'Institut nous entraîne dans un monde totalitaire... qui ressemble étrangement au nôtre. Le nouveau chef-d'œuvre de Stephen King. »
Je ne suis pas particulièrement fan de la littérature d'horreur ; je n'ai pas peur, je trouve cela trop caricatural, excepté certains romans contemporains de nouveaux auteurs qui renouvellent le genre : plus de fantastique, une cause politique ou de justice sociale en filigrane à défendre, et tout change de mon point de vue. Soudain le roman reprend son rôle de lanceur d'alerte, d'information tout en nous divertissant et nous dépaysant.
« L'Institut » de Stephen King n'est pas un roman d'horreur, c'est un thriller teinté de SF bien que construit sur des vérités historiques tant sur le plan des évènements dramatiques du XXe siècle que de la Science. Comme toujours, excepté dans 22/11/63, j'ai l'impression de lire un texte pour adolescents ou jeunes adultes, ( d'ailleurs ce livre est dédicacé aux petits enfants de l'auteur), cette sensation étant renforcée ici par le choix d'un héros de 12 ans.
L'ambiance carcérale et anxiogène de l'Institut est parfaitement rendue, la description de l'organisation interne de l'infrastructure est précise et nous permet bien de nous projeter dans les lieux, un camp de concentration nouvelle formule sous contrôle de gardes chiourme barrés et de médecins, doubles du "Dr Mengele" et autres psychopathes nazis.
C'est intelligent, flippant à souhait puisque tirant sur toutes les ficelles de nos peurs les plus profondes, et surtout, tout en reprenant des thèmes et des sources historiques quant à des expérimentations depuis la seconde guerre mondiale, ce texte nous fait trembler sur ce que pourrait devenir notre société si nous ne restons pas vigilants.
C'est un bon roman de SF bien ficelé, un peu long peut-être, mené adroitement.
Mais ce qui m'interpelle le plus dans cette histoire, ce sont les raisons qui ont poussé Stephen King a reprendre le stylo et à créer cet univers et ce récit.
L'élément déclencheur, nous dit-on, fut les reportages où l'on voyait des enfants derrière des barbelés, bloqués et séparés de leurs parents à la frontière mexicaine.
Effectivement, ce fut un choc : des images des camps nazis sont remontées à la mémoire collective.
Idem pour moi, lorsque des adolescents manifestant pacifiquement dans leur lycée, dont certains handicapés, ont été mis face à un mur, agenouillés, mains sur la tête, humiliés, anéantis par le pouvoir en place.
C'est aussi depuis des mois, des affaires terribles de pedocriminalité mises sous la lumière enfin, et un traitement des enfants par la justice inapproprié, traumatisant, leur niant le droit à la parole et à obtenir gain de cause.
C'est aussi la volonté manifeste de tracer tout le monde, de nous surveiller encore plus que nous ne le sommes aujourd'hui....
Et enfin, ce sont les expérimentations au nom de la sacro sainte Science, qui explosent les limites morales et éthiques. Ce sont ces découvertes formidables, détournées de leur but premier, pour gagner de nouvelles guerres.
Ce sont ces millions d'enfants torturés, battus, exploités, dans des camps, des usines, des laboratoires, des pays pauvres, quantités négligeables aux yeux des plus puissants.
Une société qui ne protège ni ses enfants ni ses anciens est une société finie, démente, suicidaire. On ne battit pas un avenir sans respecter les leçons du passé, sans protéger les règles fondamentales de l'humanité.
Bémol : Je regrette que les sources de la documentation et bibliographie ayant permis d'étayer ce scénario ne soient pas précisées en fin de récit.