Éva a lu pour vous ..
Chroniques littéraires
L'Insolence des puissants
Véronique Chauvy
De Borée
Le 23 mai 2024
352 pages
thriller historique
Chronique
Dans la collection Terres d'écriture.
"Entre faibles et puissants, bien qu'ordonnée par le Roi Soleil, une justice est-elle possible ? "
Quel titre pour une réalité encore bien actuelle quand on voit le cynisme et la morgue de certains hommes politiques ou grandes fortunes considérer les peuples non comme êtres humains précieux mais comme de simples statistiques corvéables, utilisables, effaçables à merci !
J'avais gardé en tête que les actes de Louis XIV pendant son règne avaient eu des conséquences fâcheuses pour ses héritiers et avaient certainement préparé le terrain à la future Révolution française. Et voici ce roman étonnant, que je qualifierai de thriller historique tant l'on frissonne pour nos héros Gauthier, le chirurgien, et Madeleine, la fille de l'apothicaire, nuançant avec brio et passion le tableau que nous aurions pu garder en mémoire de ce roi et en particulier de ses premières années au pouvoir. Un pouvoir qu'il veut absolu.
Par orgueil certainement et parce qu'il exige de tous ses sujets une totale obéissance et un respect parfait des lois et édits promulgués par son gouvernement, il n'entend pas laisser qui que ce soit, noble ou roturier, les mépriser. Il souhaite également reprendre la main sur toute cette aristocratie prenant des libertés sur ses domaines, maltraitant ses gens, appliquant une justice expéditive et partiale violente et inacceptable, prélevant des impôts très personnels comme au moyen-âge sur une population exangue ayant déjà bien du mal à survivre.
Ainsi , le jeune roi de vingt-six ans menant la barque du pouvoir seul depuis la mort de Mazarin, informé des crimes et délits perpétrés en Auvergne, ordonne une session extraordinaire de justice, les Grands Jours, sur place à Clermont du 26 septembre 1665 au 31 janvier 1666. Sous la présidence de Nicolas Potier de Novion, oeuvreront l'avocat général, Denis Talon, représentant le ministère public et, le maître des requêtes, Louis de Caumartin, chargé des sceaux royaux.
Lorsque Gauthier Chaslier, chirurgien en la ville de Pont-du-Château sous pouvoir du marquis Alcibiade de Cartier-Pansac, apprend la tenue de cette session extraordinaire à Clermont, il se met à espérer obtenir justice, non pas pour l'incendie et la mort de sa fiancée et de son père dans leur demeure sur ordre de cet aristocrate, mais au moins pour un cultivateur qu'il a opéré. En effet, voici deux ans, Cartier-Pansac accompagné de son sbire, Larme-à-l'oeil le balafré, a tiré dans la main du pauvre homme ayant refusé de payer un impôt supplémentaire et inique devant financer le mariage de la dernière fille du marquis.
Réduit à la mendicité sans sa main, ayant tout perdu, le malheureux est l'énième victime des crimes de Cartier-Pansac qui tient en son pouvoir les juges et personnels de justice de la petite ville. Il est le seigneur et maître absolu autant sur son domaine qu'en son domicile où résident également son fils Luc, être totalement incapable de s'élever contre son père, et sa bru, Anne-Lise, victime de ses violences.
Gauthier se prend à espérer en une condamnation des actes monstrueux du marquis et se rend à Clermont pour en parler à sa tante Artémise, veuve d'un juge à la cour des aides de la ville. Or, par chance elle va accueillir pendant les Grands Jours, un des magistrats venu de Paris avec sa famille. Gauthier pourra donc aisément savoir si sa cause est justiciable ou non. L'occasion est aussi donnée, par l'heureux hasard, de remettre en présence notre bel ami et une de ses anciennes connaissances de jeux d'enfance : Madeleine, la fille de maître Sabatier, l'apothicaire.
Les pièces du puzzle sont posées, le décor dressé. Alcibiade de Cartier-Pansac ne va pas accepter que Gauthier Chaslier porte plainte contre lui et mettra tout en œuvre pour réduire à néant ses projets. Il ne reculera devant aucun actes criminels pour parvenir à ses fins. Madeleine, qui porte de lourds secrets, apportant son aide à Gauthier, sera elle aussi bientôt prise dans l'oeil du cyclone. Tous sont les proies désignées d'un serial killer, d'un psychopathe de la pire espèce.
Ce roman est formidable, passionnant, dense et fourmillant de détails et précisions quant au fonctionnement de la justice sous Louis XIV, sur l'organisation administrative et judiciaire dans les villes de province, sur les us et coutumes de l'époque, sur la place échue aux femmes en ces temps de parriarcat absolu.
Une belle galerie de personnages vous attend complétant la toile peinte par Véronique Chauvy, qui années après années, ne cesse de prouver son talent de conteuse soucieuse d'exactitude historique et de mettre en valeur les traditions et richesses de l'Auvergne. Ce livre est un bonheur à lire, impossible à lâcher, original par le thème choisi.
Biographie de l'autrice :
Après des études de droit, un début de carrière dans l’administration scolaire, des engagements associatifs, Véronique Chauvy se lance dans l’écriture. Elle choisit l’Auvergne, sa terre d’adoption depuis plus de vingt cinq ans, pour planter le décor de ses romans où le destin de ses personnages traverse la grande histoire.