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Éva a lu pour vous ..

Chroniques littéraires

L'Arbre Monde

Richard Powers

Cherche Midi

2018

531 pages traduites par Serge Chauvin

Roman

Chronique

19 novembre 2018

Titre original « The Overstory »,Un auteur que j'admire profondément, un livre phénomène. Là je suis tétanisée à l'idée de commettre un texte sur ce roman Grand Prix de la Littérature américaine 2018. On respire, on se jette dans le vide du haut d'un sequoia....


Un éblouissement dû à la lumière traversant la Canopée.

Douzième roman de cet auteur, puissant, lyrique, racinaire, organique, en ce sens où lors de la lecture et en le fermant, notre cœur bat plus fort et nous sommes recentrés, renoyautés. Nous sommes plus vivants et redevenus nous-mêmes. J'ai toujours un moment de sidération émerveillée, un besoin de me réveiller ensuite, pour prendre, si je le peux, la pleine mesure de ce que je viens de découvrir dans ces lignes, dans les œuvres de Richard Powers. Profondément humaniste, engagé, vibrant, harmonieux, pour pourtant traiter de la discordance de notre monde tel que nous le déconstruisons. Un appel donc à nos consciences...


« Des trônes se sont effrités et de nouveaux empires érigés ; de grandes idées ont été engendrées, et de grands tableaux peints, et le monde révolutionné par la science et l'invention ; et pourtant nul homme ne peut dire combien de siècles ce Chêne perdurera ni à quelle nations et religions il survivra...

Là où les cerfs folâtrent, où les truites émergent, où notre cheval s'arrête pour s'abreuver d'une lampée d'eau glacée tandis que le soleil réchauffe votre nuque, là où chaque souffle est une exaltation : c'est là que poussent les Trembles...


Que les autres arbres fassent le travail du monde. Et que le Hêtre s'élève, tout simplement, bien campé sur son territoire... »


L'histoire :

Trois sœurs viennent de perdre leur père venu s'installer de Chine aux USA où elles sont nées, baptisées de noms de personnages lyriques. Il a emporté dans ses maigres bagages des trésors familiaux ancestraux :

« Les trois héroïnes d'opéra se penchent sur un plateau, trois bagues de jade. Sur chaque bague un arbre sculpté, chacun ramifié en l'un des trois masques du temps. Le premier, c'est le lote, l'arbre à la frontière du passé que nul ne peut refranchir. Le deuxième, mince et droit, c'est le pin du présent. Le troisième, c'est Fusang, l'avenir, un mûrier magique qui se dresse loin à l'est, là où se dissimule l'élixir de vie.

Amelia est hypnotisée. Laquelle est pour qui ?

- Il y a une manière juste de partager, dit Mimi. Et des dizaines d'injustes. Carmen soupire. Et c'est quoi, la manière juste ?

- Tais-toi. Fermez les yeux. On compte jusqu'à trois et on en prend une.

À trois, les bras s'effleurent, et chaque femme trouve son destin. Lorsqu'elle rouvrent les yeux, le plateau est vide. Amelia a son éternel présent, Carmen son passé maudit. Et Mimi se retrouve avec le tronc gracile des choses à venir. Elle le glisse à son doigt. Il est un peu grand, ce don d'une patrie qu'elle ne verra jamais.

Elle fait tournoyer sur son doigt la boucle sans fin de son héritage, tel un sésame. »


Et le sort en est jeté pour Mimi et huit autres personnages de ce roman fabuleux qui vont entendre l'appel des arbres, leur chant, leur plainte, leur leçon. Chacun utilisera un moyen différent pour protéger ou faire revivre ou survivre un arbre seul ou une forêt entière, abattus tous les jours par des humains inconscients en pleine crise suicidaire collective. Un livre hommage à ces arbres, reliés entre eux par un système racinaire qui les transforme en un unique et immense organisme où les informations, les systèmes immunitaires, les pensées circulent librement sous terre et par les airs, par le toucher de branche à branche, de feuille à feuille.


Le premier personnage est Jorgen Hoel, émigré aux Etats Unis à Brooklyn dégustant des châtaignes, un festin de roi, « une bénédiction, la manne d'un pays dont même les miettes viennent du banquet de Dieu ». Marié à une irlandaise Vi, direction l'Iowa où les autorités cèdent de la terre à quiconque veut la cultiver. Dans ses poches, six châtaignes qu'il va replanter, un seul rejeton survivra, que de génération en génération, on prendra en photographie. La folie des arbres est dorénavant plantée dans le cœur des hommes.


Cinq des personnages de cette fiction, si réaliste, se lanceront dans des actions sur le terrain afin d'empêcher l'avancée des machines, poursuivis donc par un état totalitaire comme écoterroristes.

Nous suivrons en parallèle un couple qui chaque année à défaut de procréer, plante un nouvel arbre dans leur jardin, devenu au fil du temps une jungle, au grand dam des services de la mairie et des voisins aveuglés.

Un autre, génie de l'informatique, créera des arborescences, des mondes virtuels, parallèles, avant de réaliser son erreur en regardant par la fenêtre, de son fauteuil roulant, des arbres exceptionnels qui lui montrent simplement le chemin, à l'instar de ce livre également, vital, central, essentiel pour la survie des forêts et la nôtre, d'une botaniste pourtant moquée et décriée au début de sa carrière.

Cette femme exceptionnelle, Patricia Westerford, va toute sa vie être l'interprète choisie des forêts, aidée de son mari Dennis, jusqu'au bout de leur force. Beaucoup d'Amour dans ce livre, énormément, nous en avons tant besoin.

Quatrième de couverture

Richard Powers embrasse un sujet aussi vaste que l'univers : celui de la nature et de nos liens avec elle.
Après des années seule dans la forêt à étudier les arbres, la botaniste Par Westerford en revient avec une découverte sur ce qui est peut-être le premier et le dernier mystère du monde : la communication entre les arbres. Autour d'elle s'entrelacent bientôt les destins de neufs personnes qui peu à peu vont converger vers la Californie, où un sequoia est menacé de destructions.
Au fil d'un récit de dimensions symphoniques, Richard Powers explore ici le drame écologique et notre égareme t dans le monde virtuel. Son écriture généreuse nous rappelle que, hors la nature, notre culture n'est que « ruine de l'âme ».
Monumental, prodigieux, ambitieux, remarquable... Tous ces adjectifs, cités au dos, je les reprends à mon compte, convaincue.

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