Éva a lu pour vous ..
Chroniques littéraires
L'appel du néant
Maxime CHattam
Albin Michel
Fin 2017
518 pages
Thriller
Chronique
24 juin 2018
« Tueur en série....traque infernale. Médecine légale. Services secrets.... Terrorisme.
La victoire du Mal est-elle inéluctable ?
Ce thriller va détruire vos nuits et hanter vos jours. »
Ah bon ! Veuillez m'excuser, mais cette quatrième de couverture très américaine pour blockbuster, en imaginant une voix grave et un faible écho pour rajouter dans le pathos, est un peu ridicule et peut, en plus, concerner un autre livre.
Pitié ! un peu trop caricatural, franchement, pour un roman qui mérite vraiment beaucoup mieux que cet étalage bling bling. Ce n'est pas ce texte qui m'a fait choisir ce livre, ce sont les retours sur les groupes de lecture où là, la " promotion" du dernier opus de Maxime Chattam est bien faite.
NB : Troisième volume avec Ludivine Vancker (après la conjuration primitive et la patience du diable)
Je ne suis pas forcément une lectrice de cet auteur, j'ai dû en lire trois ou quatre. J'ai apprécié que dans " L'appel du néant" je n'ai pas eu l'impression de ne pas appartenir au club fermé de ceux qui ont lu toute la série avec cette enquêtrice. Chouette, je suis acceptée à la fête. Les titres sont mentionnés, les traumatismes précédents aussi, sans insister, juste la bonne dose pour comprendre que Ludivine Vancker, lieutenant de gendarmerie a morflé sérieusement, a eu besoin de trois mois de repos mais qu'elle, et son équipe, sont bons au service.
D'entrée de jeu, après une description détaillée de notre héroïne, histoire de faire connaissance, nous nous retrouvons dans une cave où cette jeune femme est séquestrée.
« Les ténèbres existaient bel et bien. Et pas seulement dans la tête des pires monstres. Elles l'avaient rattrapée et, à présent, elle-même flottait dans leurs entrailles corruptrices. » Nous y sommes, en plein dedans.
Parallèlement nous retrouvons Ludivine quelques semaines avant, en compagnie de Guilhem, son adjoint, sur une scène de crime , banlieue sud de Paris : sur des rails, un homme coupé en deux, poignets certainement liés par des liens en plastique. À côté du cadavre, trois pains de résine de cannabis et dans un sachet marqué d'une pieuvre noire, des cristaux blancs scintillants. Un cocktail de drogues terrifiant.
Le lendemain le colosse Segnon appelé en renfort vient la chercher chez elle pour l'emmener à la Section de Recherche ou SR. Bientôt un autre mort, et l'affaire prend une toute autre ampleur, avec l'entrée en scène de Marc Tallec de la DGSI, de l'antiterrorisme.
Soudain un texte en italique du Djinn, être de vent qui sème le feu et répand la haine et le Mal. Il écrit son histoire, il expose ses théories, il se met en scène. Djinn est le destin, son doigt pointé sur la France.
Ainsi toute la première partie va concerner cette chasse au serial killer qui s'en est pris à deux femmes, puis à la victime des rails, et, traitées en parallèle, les heures d'horreurs passés par Ludivine avec son geôlier qu'elle sait, en bonne profileuse, être ce tueur. Elle va jouer alors une partie d'échecs très difficile, délicate pour empêcher que ce fou ne l'achève.
Peu à peu les deux espaces temps vont se rapprocher pour n'en faire plus qu'un, et l'indicible se produit, les secondes se suspendent, on se met en apnée, puis reprise avec la deuxième partie de la traque, celle des terroristes à proprement dit
Le lien entre les deux parties est bien trouvé, heureusement que dans toute cette obscurité, une tendre histoire débute entre Ludivine et Marc. Ce thriller est un hommage aux forces de police, à la gendarmerie, aux brigades de la DGSI, à tous ceux qui mettent leurs talents immenses de déduction, d'empathie, de connaissances du terrain pour le triomphe du Bien. Prévoir les attentats, les déjouer, réussir s'il est trop tard à limiter les dégâts, rester à l'affût H24 pour la sécurité de cette population qui n'a pas compris que depuis le 11 septembre, une troisième guerre mondiale a commencé, insidieuse, frappant n'importe où dans le monde sous couvert de religion, contre les mécréants.
La bête se nourrit de la crise sociale, économique, morale de nos sociétés capitalistes en pleine déliquescence, avec des chefs de gouvernement qui crachent sur le principe de démocratie pour installer peu à peu un état de non droit. La population s'aveugle et des policiers gendarmes, agents, meurent sur le terrain.
La guerre est là avec son cortège de terreur larvée au fond du ventre, la perte des valeurs ; des extrémistes s'infiltrent dans les arcanes du pouvoir, à des postes clefs dans les grands entreprises publiques, dans des banques, partout , indécelables. D'autres en souterrain favorisent l'enrichissement du mouvement de EI, ou tout autre organisme du même acabit, par le biais du trafic de drogues, d'armes.
Terrifiant, réel, parfaitement documenté, facilitant le message par le biais de l'histoire de ces brigades de gendarmerie et de la DGSI, c'est un thriller sombre qui fut certainement délicat et complexe à rédiger . Difficile de trouver le bon dosage pour un récit équilibré entre dramaturgie fictionnelle et documentaire. Un thriller de guerre comme fut " Entre deux mondes" de Olivier Norek. Des livres capitaux, comme d'autres, d'auteurs de thrillers tout aussi talentueux, qui ont créé, les circonstances obligent, un type de thrillers littéraires engagés dans les domaines géopolitiques, sociétaux, philosophiques.
Un thriller donc dédié aux forces de l'ordre, aux enseignants, aux victimes.
« Si je diffère de toi, loin de te léser, je t'augmente. » Antoine de Saint-Exupéry, Lettre à un otage
« Il y avait une fêlure dans son crâne et un peu du monde des ténèbres s'y immiscait et le poussait vers la mort. » Rudyard Kipling, The Phantom Rickshaw.