Éva a lu pour vous ..
Chroniques littéraires
Là où chantent les écrevisses
Delia Owens
Seuil
2 janvier 2020
480 pages traduites par Marc Amfreville
Historique
Chronique
4 août 2020
Beau, très beau.... Magnifique traduction.
« Va aussi loin que tu peux. Tout là-bas, où on entend le chant des écrevisses. »
« Ça veut dire aussi loin que tu peux dans la nature, là où les animaux sont encore sauvages, où ils se comportent comme de vrais animaux... »
« Poème de Amanda Hamilton :
Mouette blessée à Brandon Beach
Tu dansais dans le ciel, âmes aux ailes d'argent,
Et tu éveillais l'aube de tes cris perçants.
Tu suivais les bateaux, affrontais l'océan.
Avant de capturer et de m'offrir le vent.
Tu te brisas une aile, elle traînait à terre
Griffant le sable blanc aux rives de la mer.
Quand les plumes se brisent, on ne peut plus voler,
Mais l'instant de la mort n'est pas encore fixé.
Quand tu as disparu, je ne saurais dire où,
La marque de ton aile est resté parmi nous
Un cœur brisé hélas ne saura plus voler
Mais l'instant de la mort n'est pas encore fixé. »
Premier roman de Delia Owens qui connaît un succès phénoménal à près de soixante-dix ans...!!! C'est déjà suffisamment remarquable pour vous intriguer.Et lorsque l'on découvre sa biographie, on ne peut être que soufflé par cette trajectoire hors norme d'une femme qui va au bout de ses passions, amoureuse de la vie, de la nature, engagée dans la lutte pour la protection de notre planète et diablement douée dans maints domaines. Ce n'est pas le premier ouvrage de cette biologiste voyageuse, ni son premier succès éditorial, mais c'est sa première fiction. Chapeau bas !
En lisant les premières lignes, après avoir admirer la couverture, je pensais déjà avoir entre les mains un très beau roman naturaliste, ode à notre Terre et plus particulièrement à la région des marais de Caroline du Nord avec sa faune et sa flore foisonnantes et bruissantes de mille vies. Je pensais aussi que ce serait un magnifique récit d'amour, dramatique, poétique qui me ferait frissonner, rêver... Jerepensais"Ànosannéessauvages"deKarenJoyFawlerouauxtitresdePeterHeller,similairesen beautétantdans la forme que par le message universel et humaniste véhiculé. Cela aurait été parfaitement incomplet, si je n'avais gardé en tête le prologue, décrivant la découverte par deux gamins d'un cadavre au pied d'une tour de guet en 1969.
Et là nous basculons dans un thriller policier et au final judiciaire comme peut les réussir un John Grisham. Tout est authentiquement beau dans ce roman, tout est d'une grande délicatesse et finesse d'analyse, d'une grande maîtrise, poésie, tout nous emporte jusqu'aux confins du monde où les sentiments sont d'autant plus forts et bouleversants qu'ils ne sont pas exprimés.
Un livre également sur l'exclusion sociale de celle qui est différente, victime de la rumeur, en un temps où les noirs n'avaient aucun droit, où les femmes ne pouvaient entrer dans les bars, où tout n'était que carcan, apparence, bienséance hypocrite.Enfin c'est l'histoire d'une petite fille prise dans un étau, qui n'a rien fait de mal, qui sera abandonnée, maltraitée, supportant faim et solitude au coeur des marais où la nature en son entier, les oiseaux en particulier, vont devenir ses seuls compagnons, derniers barrages avant la folie. N'oublions pas Tate, compagnon de jeunesse et premier amour, et le couple afro-américain formé par le vieux Jumping et sa femme Mabel, parents de substitution.De magnifiques descriptions de paysages, des beautés de cette région vous attendent, ainsi qu'un réel suspense policier. Jusqu'à la dernière ligne vous douterez de vos déductions. La solution vous sera révélée d'une manière originale...
L'eau, le ciel, le vent, les oiseaux et même un chat seront des acteurs essentiels à ce récit, insufflant de la force à notre héroïne afin d'affronter les tourments de sa jeune vie...Le parcours initiatique vers la liberté et la confiance de la Fille des marais, de Kya, deviendra le vôtre.Je n'ai pas de mots assez forts pour vous transmettre mon admiration et ma gratitude envers cette écrivaine qui a su ainsi embellir quelques heures de ma vie, sans oublier son traducteur Marc Amfreville.
Ce roman a été adapté en film.