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Éva a lu pour vous ..

Chroniques littéraires

Evangelia

David Toscana

Zulma

Janvier 2018

426 pages traduites par Inès Introcaso

Roman

Chronique

15 mars 2018

Jamais déçue avec Zulma, toujours de très beaux textes originaux, incontournables, intelligents, et celui-ci n'est pas en reste... Ajoutez à cela un humour, une fantaisie, une transgression en douceur.J'ai énormément ri, la truculence de cette fable évangélique m'a ravie. Le détournement des éléments connus de l'ancien Testament, de la vie de Jésus Christ, la reprise drolatique et en finesse des évènements clefs de son parcours ainsi que de tous les personnages emblématiques, avec une vraie érudition et un réel brio, m'ont enthousiasmée et fait réfléchir.


Pour une personne élevée dans le catholicisme, école de bonnes sœurs éclairées (je précise), et tout le circuit obligatoire du baptême, catéchisme, communion et profession de foi, puis des études personnelles sur l'histoire des religions et de celle qui fut mienne, ce livre pose un postulat inouï, sans chercher à choquer ou attaquer. Il est exemplaire.


Donc je résumerai ce roman par " Et Si..."Et si notre bon ange Gabriel s'était un peu mélangé les pinceaux au moment de l'Annonciation à la Vierge Marie, Et si disons-le aussi, Dieu n'avait pas fait assez attention à la traduction du texte prédisant la venue d'un nouveau Messie, Et si d'ailleurs ce Dieu n'était pas très sympathique, ni capable de se remettre en question quand il fait une bourde, compte tenu de son égocentrisme et sa fatuité ( un peu normal en fait, c'est Dieu tout de même, non?), Et si avec sa mauvaise foi coutumière, il faisait porter tout le poids de son erreur sur Gabriel, promis à un bien triste destin d'ange déchu, le pauvre.... Et si..... Mais si quoi ?


Si tout simplement le Messie, le bébé qui devait naître de la Vierge Marie, (pragmatique et très matérialiste), mariée à Joseph (franchement vénal et intéressé par une possible gloire), était une fille. Normalement l'enfant devait s'appeler Jésus ou Emmanuel. Qu'à cela ne tienne, soyons efficaces, ce sera donc Emmanuelle tranche Marie.


« Et voilà qu'Il (Dieu) éprouvait à présent une passion bien humaine : de la colère mêlée à l'envie de rejeter sur les autres ses propres fautes. C'est qu'après avoir béni tant de membres de son peuple en leur accordant des fils uniques ou des premiers-nés mâles, après avoir donné à Jacob treize enfants, dont douze garçons, il se trouvait que Lui avait eu une fille. »


Imaginez la tête des rois mages après avoir errer partout pour trouver le fils de Dieu, arrivant enfin à bon port avec leurs présents coûteux ! Dégoûtés, trahis, apprenant la catastrophe, ils repartent avec le magot au grand dam de Joseph. Mais du coup le massacre de tous les premiers nés mâles ordonné par Hérode aura lieu, mais ne concernera pas notre fillette, et donc ses parents ne vont pas fuir...... Ah, ah, voilà que l'histoire commence à bifurquer.


D'autre part, Joseph va se rattraper après la naissance de la divine gamine, et faire une tripotée de gosses à Marie dont Jacob, qui poussé par son père vexé de la situation, va vouloir prendre la place d'aîné et donc celle de Emmanuelle. Il va tranquillement changer de nom et s'autoproclamer Jésus de Nazareth, tandis que Emmanuelle sera de Bethléem. Bonjour la concurrence en des temps où les faux prophètes pullulaient.


Autre problématique, Jésus, le vrai fils de Dieu, à la droite de son Père dans les cieux n'a pas pu s'incarner..... Aïe !


Je vous laisse découvrir la suite de ce récit plein d'humour, grâce auquel David Toscana nous emmène à la suite d'Emmanuelle, dans une histoire profonde et émouvante. Ce livre est un risque pris inouï, humain, posant les bonnes questions.


Je vais garder en mémoire la description bouleversante du massacre des innocents et de la rencontre entre Emmanuelle et Jean le Baptiste, improbable et irrésistible. Une très belle galerie de personnages de légende ou historiques, haute en couleurs. À part....

Quatrième de couverture

« Et voilà qu’Il éprouvait à présent une passion bien humaine : de la colère mêlée à l’envie de rejeter ses propres fautes sur les autres. C’est qu’après avoir béni tant de membres de son peuple en leur accordant des fils uniques ou des premiers-nés mâles, après avoir donné à Jacob treize enfants, dont douze garçons, il se trouvait que Lui avait eu une fille. »
Voilà ce qui arrive quand on ne fait pas les choses soi-même et qu’on envoie un ange jouer les marieuses.
Ainsi naquit Emmanuelle, fille de Dieu, dont la vie promet de ne pas être un long fleuve tranquille. Il va lui falloir faire ses preuves auprès de son irascible Père qui est aux cieux, s’imposer en icône révolutionnaire à Jérusalem pour que les prophéties s’accomplissent, malgré l’inénarrable misogynie ambiante et les embûches semées par son frère cadet, Jacob, bientôt connu sous le nom de Jésus...
C’est donc ainsi que la Sainte Trinité devient Tétrade, et que Dieu, dans tout ça, y perd sacrément son latin. Ce roman est un pari fou relevé avec un talent inouï, un monument irrésistible d’érudition et d’humour.

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